Comme nous le faisons traditionnellement, nous vous partageons un extrait de l'article écrit par Michel Culas dans sa "Grammaire de l'objet chinois" *à propos de la symbolique du buffle dans le zodiaque chinois.
« Le bœuf dans le nord et le buffle dans le sud, est un des thèmes souvent utilisés en peinture ou en poésie pour exprimer la bonté, le calme, la force paisible, la tolérance, la vie rurale. Celui de « l'enfant au buffle » est très connu : il exprime, à travers l'allégorie du berger qui reprend la maîtrise de son troupeau, l'une des grandes leçons de la philosophie « chan » (zen en japonais) : la victoire du faible sur le fort. Un autre thème célèbre est celui du vieux maître Laozi monté sur un buffle vert, quittant le royaume de Zhou car il ne supporte plus la corruption qui s'y est installée.»
Porte bonheur censé empêcher la montée des eaux (on scellait des statuettes de bronze dans les ponts ou les digues) figurant les travaux agricoles ( «un bœuf jaune participait aussi aux cérémonies annuelles du tracé des sillons par l'empereur au Temple du Ciel ») le buffle est porteur de beaux symboles et vénéré en conséquence.
* (Editions de l'Amateur, 1997)

Bi Feyu, dans «Don Quichotte sur le Yangtsé»*, livre retraçant son enfance paysanne, consacre un chapitre au buffle et à la place très particulière qu'il occupe dans la vie campagnarde.
«A l'avènement de la République Populaire de Chine, les bovins furent entièrement intégrés au régime. A la différence du cochon, pas un seul ne pouvait être possédé. Ils appartenaient tous à l'état. Si l'on s'avisait d'en tuer un, on s'attirait de graves problèmes.../...Le statut politique dont jouissaient les bovins, tout comme celui des «paysans pauvres et moyens pauvres» ne changeait rien à leur vie misérable.» Il parle avec beaucoup de compassion et d'amour de ces animaux dont les regards le fascinent.
« Les grands yeux humides et mélancoliques du buffle sont envoûtants. On y lit la vulnérabilité et l'impuissance, la tragédie d'un destin. Ce regard à la fois malheureux et obstiné m'a toujours transpercé de douleur». Il chante "la délicatesse et la distinction" de ces animaux qui mangent « en ayant toujours l'air de savourer les mets rares d'un banquet impérial ». Il conte avec nostalgie ses chevauchées fantastiques à dos de buffle. Et à l'instar d'autres écrivains classiques ou contemporains, il lie intimement le destin du paysan chinois à celui de sa bête : «la force déployée par le paysan chinois fouettant son buffle est inouïe. Doit on le blâmer pour sa cruauté? Non. Il n'est pas plus tendre avec lui même. Il souffre et endure comme la bête.Le paysan chinois est un buffle. La Chine, c'est l'endurance de ses paysans. La civilisation chinoise vient de là.»
* Bi Feiyu « Don Quichotte sur le Yangtsé », Ed Philippe Picquier 2016.

Ici, il rejoint Bai JuYi, poète de la dynastie TANG, héraut de ceux qui s'élevèrent contre la gabegie de la fin de ce règne.
«Ainsi, cette fable critique dans laquelle il met en scène le peuple sous l'aspect d'un bœuf attelé à une lourde charrette :
Le bœuf tire à grand peine le lourd chariot, il suerait du sang
Mais l'assistant du Chancelier a comme seul souci de gouverner
Son affaire, c'est de bien mettre en harmonie le Yin et le Yang
Le cou du bœuf se casserait en deux qu'il resterait indifférent!»*
*JMG Le Clézio : «Le flot de la poésie continuera de couler» Ed Philippe Rey 2020.

Avec le ton alerte et insolent qu'on lui connait (au moins dans ses romans d'avant le prix Nobel de littérature) Mo Yan* conte la seconde réincarnation du malheureux propriétaire terrien Ximen Nao, sous la forme d'un bœuf qui toute sa vie «déploie une force opiniatre» et finira par «se sacrifier pour la bonne cause». Une histoire où il est question de tragédie, de cruauté, de trahison, de politique...mais pourtant on rit beaucoup au fil de la lecture.
*Mo Yan «La dure loi du Karma» Ed du Seuil 2009

Depuis toujours, notre table à thé est placée sous la protection d'un buffle tutélaire auquel nous tenons beaucoup. Il veillait sur celle de Chen Yun Ming lors de notre première rencontre et si Ming a accepté de nous le céder, presque de haute lutte, c'est parce que le Buffle est le signe chinois de Dominique.
Il reçoit chaque jour son offrande de thé et se patine joliment au fil des ans.

Depuis, notre troupeau s'est agrandi. Pierre à encre dénichée à Lijiang, buffle en terre du Four Dragon de Jianshui (ces statuette figurant le froid, que l'on brisait et dont on répandait les morceaux dans les champs pour célébrer l'arrivée du printemps, cf M Culas), images recueillies dans les rizières de Yuanyang ou au fil du Mékong, porte-bonheur en terre d'Yixing de tous styles...
En route pour l'année nouvelle avec ces buffles aux yeux doux et quelques libations de thé Pu'Erh!

Heureuse année du Buffle de métal, aux natifs de ce signe....et aux autres!